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Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin
Arrêt du 10 décembre 1992
260 P - 9/92
Exposé des faits et de la procédure:
Le 27 octobre 1989, des gendarmes de la brigade fluviale de Strasbourg, en service de surveillance générale sur le Rhin, à bord de leur vedette, ont contrôlé, à hauteur du point kilométrique 302, territoire de la commune de Gambsheim, l'automoteur A faisant route vers l'aval.
Le bâtiment, piloté par son propriétaire R naviguait en mode d'exploitation A 1. Au cours de ce contrôle, les gendarmes constataient que le livre de bord n'était pas régulièrement tenu, que l'équipage était incomplet dans le mode d'exploitation utilisé, et que le livre de service n'était pas tenu à jour depuis le 31 juillet 1989. Interpellé au sujet de ces omissions, R ne les a pas formellement contestées, mais a refusé de signer le procès-verbal sur le fondement duquel il a été poursuivi et condamné par le jugement précité, lequel, dans son unique motif, mentionne "attendu que les contraventions sont prévues par le Règlement de Police du Rhin ; qu'elles sont constituées".
Dans ses conclusions d'appel, le prévenu demande à la Chambre des appels "Relaxer le prévenu des fins de la poursuite". Il soutient que les dispositions de l'article 32 de la Convention de Mannheim, qui sanctionnent les règlements établis d'un commun accord ne s'appliquent en France que lorsque lesdits règlements sont mis en application par le Gouvernement français et ont été régulièrement publiés. Qu'à défaut de ces procédures il n'existe pas d'infraction à l'article 32 de la Convention de Mannheim. Il fait valoir en particulier que le Règlement de visite des bateaux du Rhin, établi par une résolution de la Commission Centrale du Rhin en date du 16 mai 1975, qui constitue un accord en forme simplifiée, n'a pas été introduit par le Gouvernement français par voie de décret, et que l'arrêté ministériel qui l'a publié, dans sa teneur à l'époque au Journal Officiel de la République, ne saurait rendre applicable les dispositions dudit article 32.
En conséquence de quoi ces textes ne sont pas passibles des sanctions de l'article 32 de la Convention de Mannheim, mais exclusivement de peines prévues à l'article R 26, 15ème du Code pénal.
Le Ministère public a demandé de son côté à la Chambre des Appels de déclarer irrecevable l'appel interjeté par Maître G au nom de R, car tardif et contraire en la forme aux dispositions des articles 502 et 547 du code de procédure pénale français.
Au fond, il estime que le jugement mérite confirmation.
Sur la recevabilité de l'appel:
Les deux actes du 8 août 1991 qui sont intitulés "appel" portent tous les deux en tête la mention "Tribunal pour la Navigation du Rhin - Strasbourg" ainsi que celle de "quittance". L'un de ces actes est revêtu d'un cachet "parquet de Strasbourg, 9 août 1991". Aucune signature ne figure sur ces actes, de sorte qu'en l'état, en l'absence de la production en outre des quittances, on peut mettre en doute la question de savoir si ces actes ont été effectivement déposés, alors surtout que M. le Procureur de la République affirme, en ce qui concerne son parquet, le contraire.
Mais même en admettant la réalité du dépôt puisque, d'une part, dans les conclusions du parquet, il est indiqué que le dépôt a été effectué auprès du greffe du Tribunal de la Navigation du Rhin et que, d'autre part, un des actes porte le cachet du parquet de Strasbourg, il se pose néanmoins la question de la régularité de l'appel.
A ce sujet, il y a lieu d'observer que c'est à tord que M. le Procureur de la République soutient qu'en application de l'article 498 in fine du code de procédure pénale, qui dispose que le délai d'appel d'un mois, s'agissant d'un jugement du Tribunal pour la Navigation du Rhin, court à compter de la signification du jugement, quel qu'en soit le mode et qu'en l'espèce le délai était écoulé depuis le 15 décembre 1990.
En effet, s'il est exact que le jugement a été signifié à parquet par exploit d'huissier du 14 novembre précédent, il n'est pas justifié, ni même allégué, que cette signification a été notifiée, conformément à l'article 40, 3ème alinéa de la Convention de Mannheim, qui stipule que les citations et exploits dans les causes relevant des tribunaux pour la
Navigation du Rhin doivent être notifiés pour les personnes ayant un domicile dans un des Etats riverains audit domicile. R, ayant un domicile connu aux Pays-Bas, et la disposition ci-dessus, qui prime le droit national n'ayant pas été respecté, il s'en suit que la notification du jugement n'est pas régulière et que le délai d'appel n'a pas commencé à courir.
Dès lors, se pose la question de la recevabilité en la forme de cet appel. Elle se divise en deux branches:
D'une part, pour être régulier, l'appel devait il, ainsi que le soutient M. le Procureur de la République, être fait selon les dispositions des articles 502 et 547 du Code de procédure pénale, aux termes desquelles "la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée" et "doit être signée par le greffier et par l'appelant ou son mandataire" et inscrite sur un registre ad hoc et,
d'autre part, l'appel fait par dépôt d'un acte d'appel, contre quittance, est-il conforme aux dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la Convention de Mannheim?
En ce qui concerne le premier point, il a été jugé par cette Chambre dans l'affaire (Arrêt 240 P - 2/91 du 27 janvier 1991) que l'appel fait par voie de signification, selon exploit d'huissier, tant au Tribunal de 1ère instance qu'à la partie adverse étant conforme aux dispositions de l'article 37 de la Convention de Mannheim, aucune nullité ne pouvait, en conséquence, être invoquée pour non observation des dispositions des articles 502 et 547 du Code de procédure pénale français. Cette jurisprudence doit être maintenue.
Par contre, il est exact également que selon la doctrine de l'arrêt M (Arrêt 120 S - 3/81 du 27 février 1981) de la Chambre, il n'était pas obligatoire de suivre la voie de la signification par huissier et que l'appel devant la Commission pouvait aussi être fait selon le mode national. Dans ce cas il est réalisé, en matière pénale en France, par simple déclaration au Greffe de la juridiction de 1ère instance qui a rendu la décision attaquée, conformément aux articles 502 et 547 sus-visés.
Il n'est pas fait mention dans ce code d'un appel constaté par "quittance". Cette façon de procéder n'existe pas non plus en procédure civile "sans représentation obligatoire" ce qui est admis être le cas pour les procédures civiles devant les juridictions rhénanes.
En l'espèce, l'avocat du prévenu ne s'est donc conformé ni aux règles de la procédure pénale française, ni aux prescriptions de la Convention de Mannheim.
Vainement il soutient qu'en réalité, en droit rhénan, l'appel ne relève d'aucun formalisme, qu'il peut être fait par tout procédé idoine, et que le terme de "signification" figurant dans le traité n'a aucun sens procédural précis.
En effet, si tel était le cas, on ne comprendrait pas pourquoi il est expressément indiqué à l'article 37 que la "signification" doit être faite selon le mode du pays. Cette stipulation qui figure aussi dans les textes allemand et néerlandais n'aurait aucun sens si le mode de signification était laissé à l'initiative de l'appelant.
Si par ailleurs il est exact que le Code de procédure pénale, de même que le Code de procédure civile, a subi de multiples modifications depuis 1868, il n'est pas moins vrai que la définition de la "signification" en droit procédural n'a pas varié, en ce sens qu'elle implique l'intervention d'un huissier (cf. Littré - voir signification). Les rédacteurs de la version française de la Convention ne pouvaient ignorer cette définition de sorte qu'on doit admettre que c'est en toute connaissance de cause que le terme a été utilisé.
Il appert de ce qui précède que l'appel interjeté par M. R n'est pas régulier, et qu'en conséquence il doit, aux termes de l'alinéa 4 de l'article 37 de la Convention être déclaré non avenu.
Par ces motifs
La Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin
Déclare non avenu l'appel de R contre le jugement du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg du 22 octobre 1990.
Condamne R aux dépens de l'instance d'appel.
Dit que ces dépens seront liquidés conformément à l'article 39 de la Convention révisée de Mannheim par le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg.
Le Greffier-adjoint : Le Président :