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6 Z - 2/70 - Berufungskammer der Zentralkommission (Berufungsinstanz Rheinschiffahrt)
Datum uitspraak: 11.07.1969
Kenmerk: 6 Z - 2/70
Beslissing: Urteil
Language: Frans
Rechtbank: Berufungskammer der Zentralkommission Straßburg
Afdeling: Berufungsinstanz Rheinschiffahrt

LA CHAMBRE DES APPELS DE LA COMMISSION CENTRALE POUR LA NAVIGATION DU RHIN

ARRÊT

du 11.7.1969   

Exposé des faits:

Le 25 avril 1967 les bateaux avalants suivants, en provenance de Rheinfelden, se trouvaient sur le canal d’Alsace dans l’écluse de Fessenheim: l’automoteur «B 20», appartenant à la Société B, l’automoteur «S I», appartenant à   la  Société  Spedition   A.G.,   ayant  comme  conducteur  J.P.   K,    l’automoteur «E»,   appartenant   à   la   Société   N   S.A.   ayant   comme   conducteur W.C. W.

Les bateaux avaient quitté l’écluse aux environs de 5h 30 dans l’ordre suivant : le «B 20», puis le «S I» et enfin l’«E». Après que le «B20» eut descendu le canal sur 6 à 7 km, la visibilité devenant de plus en plus mauvaise en raison du brouillard, le conducteur du «B 20» fit faire demi-tour à son bateau et l’amarra à la berge rive gauche. Peu après, le «S I» arriva à la même hauteur, fit aussi demi-tour et jeta l’ancre à peu près au milieu du chenal, la poupe à la hauteur de  la   proue du «B 20».

Environ 15 minutes après l’arrivée du «B 20», l’«E» s’approcha du «B 20», un peu de travers, entièrement du côté de la rive gauche. Les deux bateaux se touchèrent aux proues, bâbord contre bâbord. L’«E» glissa le longdu «B 20», côté bâbord et ce dernier, poussé contre la rive par le choc, fut endommagé également sur le côté tribord. L’«E.» subit aussi des dommages. L’étendue des dégâts causés aux deux bateaux fut constatée contradictoirement et n’est pas contestée. L’abordage eut lieu au km 220 où le canal est large d’environ 145 m.

Le 31 juillet 1968 la N.V. B demande au Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg de condamner solidairement la S.A. N et W.C. W à lui payer la somme de Fl. N. 21.871,72 avec intérêts de 4 % à compter du 13 juillet 1967 ou la contre valeur en francs français au cours du jour du paiement, augmentée des frais de procédure.

Par requête du 11 octobre 1968 la S.A. N et W.C. W demandent au même Tribunal de condamner la Spedition A.G. et J.P. K à les garantir contre tout jugement qui serait rendu à leur encontre par suite de la requête introduite le 31 juillet 1968 et en même temps de les condamner solidairement à payer aux appelants en garantie la somme de Fr. S. 3.049,75 à convertir en francs français au cours du jour du paiement, augmentée des frais de procédure de l’instance principale et de l’appel en garantie.

Dans son jugement en date du 11 juillet 1969, le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg déclare que les deux défendeurs N S.A. et W.C. W sont seuls responsables de la collision avec le «B 20» et les condamne solidairement à payer à la demanderesse N.V. B la somme de FL.N. 21.871,72, augmentée des intérêts de 4 % à partir du 13 juillet 1967 ou la contre valeur en francs français au cours du jour du paiement. Le Tribunal déboute les défendeurs de leur appel en garantie et les condamne solidairement en tous les frais de la procédure de l’instance principale ainsi que de l’appel en garantie. En outre le jugement est déclaré exécutoire par provision moyennant caution équivalant à la contre valeur en francs français de  la somme de FI. N. 21.000,00.

Le 19 août 1969 la S.A. N et W.C. W introduisent un appel auprès du Tribunal de Strasbourg et déclarent formellement vouloir porter l’appel devant la Chambre des Appels. Le 2 septembre 1969 ils déposent un mémoire ampliatif tendant à l’annulation du jugement entrepris et demandant qu’il plaise à la Chambre de condamner «in solidum» en garantie la Spedition A.G. et K et de condamner solidairement ces mêmes parties à payer la somme de Fr.S. 3.049,75, augmentée des intérêts de 6 % à partir du jour de l’exploit ainsi que des frais de première et seconde instance. Ils demandent également à la Chambre la fixation d’une audience publique.

Le 2 octobre 1969, la N.V. B conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation des appelants en tous les frais.

La Spedition A.G. et K déposent des conclusions le 16 octobre 1969 selon lesquelles:

a) l’appel est irrecevable sur la base de l’art. 37 alinéas 2 et 4 de la Convention révisée pour la navigation du Rhin, motif pris de ce que le jugement entrepris n’a pas été signifié ;

b) l’appel n’est pas fondé et les appelants doivent être déboutés;

c) les frais de procédure doivent être mis à la charge des appelants.

L’audience publique a eu lieu le 23 juin 1970.

Exposé des motifs:

1. L’article 37 al. 2 de la Convention révisée de Mannheim prévoit que l’appel doit être signifié dans les trente jours à partir de la notification du jugement entrepris. Ce délai doit être entendu comme déterminant la date-limite à laquelle l’appel peut être valablement notifié. Les droits des parties au litige ne sont pas modifiés par suite de la signification du jugement entrepris, hormis le fait que les parties sont ainsi obligées d’interjeter appel le trentième jour au plus tard suivant la signification. Un appel interjeté avant la signification du jugement entrepris n’affecte donc pas les droits des parties, cette faculté, de plus, n’ayant pas été exclue par l’art. 37 al. 2.
 
Le fait que la S.A. N et W.C. W ont fait appel sans que le jugement entrepris ait été signifié à la Spedition A.G. et à J.P. K ne constitue pas une violation de l’article 37 al. 2 et n’entraîne pas la nullité que prévoit l’article 37 al. 4 de  la même Convention.  L’appel est donc recevable.

2. Les appelants soutiennent que s’il est retenu que l’«E» a commis une faute en n’émettant pas de signaux de brume, la même faute doit être reprochée au «B 20», lequel a également omis d’émettre des signaux.

Il apparaît, à l’examen approfondi des déclarations des divers témoins:

a) que le «B 20» était régulièrement amarré à la berge rive gauche, ce qui d’ailleurs n’est pas contesté;

b) qu’à bord de l’«E» aucun signal de brume n’a été émis, contrairement à ce que prévoit l’article 81 al. 1 du Règlement de police pour la navigation du Rhin;

c) qu’immédiatement  avant  l’abordage   il n’a  pas  non plus été émis de signaux à bord du «B 20».
D’après l’article 82 al. 2 du Règlement de police, le «B 20», amarré, était tenu d’émettre des signaux aussitôt et aussi longtemps qu’il percevait le signal d’un bâtiment qui s’approchait. Mais, étant donné que l’«E» approchant n’avait pas donné les signaux prévus à l’article 81 al. 1, il ne peut être retenu à l’encontre du «B 20» un manquement à l’obligation prévue à l’article 82 al  2.

Par ailleurs les appelants n’ont jamais, devant le premier juge, reproché une faute quelconque au «B 20». Ils ont toujours soutenu que l’abordage était imputable exclusivement aux fautes commises à bord du «S I».

C’est donc à juste titre que le premier juge n’a retenu aucune faute à l’encontre du conducteur «B 20».

3. Les appelants soutiennent que l’abordage serait dû à deux fautes commises par le «S I», à savoir :

a) avoir omis d’émettre les  signaux prescrits;

b) être resté arrêté au milieu du chenal en  violation des articles 80 al. 4 et 67 du Règlement de police.

Le fait que le «S I» n’a pas émis de signaux ne doit pas être considéré comme une faute, car le «S I» était resté immobile et n’avait à donner de signaux que lorsqu’il percevait ceux de l’«E» qui naviguait (art. 82 al. 2). Etant donné qu’il est établi que l’E» n’a donné aucun des signaux prescrits, le «S I», à l’instar du «B 20», n’était pas dans l’obligation d’émettre des signaux.

Selon l’article 67, le «S I» devait, sauf dispositions contraires en conformité avec le Règlement, choisir un lieu de stationnement aussi proche que possible de la rive, de manière à ne pas entraver la navigation. L’article 80 al. 4 prévoit que par mauvaise visibilité les bâtiments doivent, en s’arrêtant, dégager le chenal autant que possible. On ne peut déterminer avec certitude la position exacte du «S I» dans le chenal. Sur les croquis établis par les témoins, le bâtiment se trouve pratiquement au milieu du canal. Que la visibilité fût de 20 m (témoin VS) ou de 10 m (témoin S), les rives ne pouvaient être aperçues depuis le milieu du canal, la largeur de celui-ci étant de 145 m. Si, d’autre part, ce bâtiment pouvait être vu depuis le « B 20» (témoin L) alors que le brouillard était véritablement si épais, le «S I» n’a pas pu se trouver au milieu du chenal.

En tout cas, dans la mesure où la position du «S I» constituait une faute, ce qui n’est pas prouvé, il s’agit ici d’une faute sans lien causal avec l’accident. L’«E» aurait connu cette position si ce bâtiment avait donné les signaux auxquels il aurait dû être répondu. Par ailleurs, il n’est pas prouvé non plus que l’«E» ait été effectivement gêné par la position du «S I».

C’est donc à juste titre que le premier juge n’a retenu aucune faute à l’encontre du capitaine du «S I».
4. Les appelants soutiennent que c’est à tort que le premier juge a retenu trois fautes à leur encontre et affirment que l’«E» a manoeuvré exactement de la même manière que les deux autres bateaux,, si bien qu’on ne saurait lui faire aucun reproche.

Il ressort clairement des dépositions des témoins ainsi que des suites de l’abordage que si l’on admet que l’«E» a réduit sa vitesse lorsqu’il a pénétré dans le brouillard, cette réduction de vitesse était insuffisante, étant donné que l’abordage s’est produit avec une certaine violence ; en effet, l’«E » ne s’est pas immobilisé, mais a glissé au contraire sur toute la longueur du «B 20». Donc l’«E» n’a pas diminué sa vitesse dans la mesure prescrite à l’article 80 al.1 et a ainsi   commis   une   faute.

Ce bâtiment n’a pas davantage arrêté sa course lorsqu’il s’est trouvé dans un brouillard tel que la visibilité ne dépassait pas 10 à 20 m et ce bien qu’il sût que  d’autres bâtiments se trouvaient devant lui et  souvaient constituer un danger.

Le témoin P, qui se trouvait à bord de l’«E», affirme que le conducteur de ce bâtiment voulait tourner et que cette manoeuvre avait été amorcée pour amarrer le bateau à la rive gauche, lorsque soudainement l’équipage de l’«E» aperçut le «S I» au milieu du canal. Le témoin déclare qu’il n’y avait plus alors d’autre possibilité pour «E» que d’essayer de redresser pour éviter le «S I». C’est ainsi que l’«E» aurait heurté le «B 20» amarré à la rive gauche.

Les autres témoins n’ont toutefois pas remarqué que l’«E» ait voulu tourner à quelque moment que ce fût. Ils ont vu ce bâtiment s’approcher, parallèlement à l’axe du canal, légèrement déporté vers la rive gauche. Si les faits s’étaient produits conformément aux affirmations du témoin P, le bâtiment aurait dû se trouver à peu près en travers du canal lorsque le «S I» a été aperçu, mais dans ces conditions on aurait vu l’«E» dans cette position à partir du «S I» et du «B 20». La déposition du témoin P ne saurait par conséquent être retenue ; les conditions dans lesquelles l’«E» a heurté le «B 20» près de la rive gauche font clairement ressortir que l’«E» n’avait pas diminué sa vitesse mais qu’au contraire il a continué dans la moitié gauche du canal à la même vitesse que précédemment.
 
L’infraction à l’article 80 est suffisamment établie et il est évident qu’elle est la cause de l’abordage qui n’aurait pas eu lieu si l’«E» avait suffisamment ralenti et s’était arrêté à temps.

En outre, il est établi qu’il n’a pas été émis de signaux à bord de l’«E» comme l’exige l’article 81 al.1.Aucun témoin ne prétend les avoir entendus.

C’est donc à juste titre que le premier juge a décidé qu’à bord de l’«E» les trois fautes ci-dessus décrites ont été commises et que les appelants sont les seuls à être responsables de  l’abordage qui fait   l’objet du litige.

Les appelants étant seuls responsables de l’abordage, l’appel en garantie est sans fondement. En conséquence, la Chambre des Appels n’a pas à statuer sur la demande principale.

Par ces motifs, la Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin a jugé:

L’appel, signifié par acte en date du 19 août 1969, est recevable mais mal fondé. Les appelants en sont déboutés et le jugement du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg en date du 11 juillet 1969 est confirmé.

Les frais de l’appel, qui devront être déterminés conformément à l’article 39 de la Convention révisée pour la navigation du Rhin, sont mis à la charge des appelants.