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CHAMBRE DES APPELS DE LA COMMISSION CENTRALE POUR LA NAVIGATION DU RHIN
ARRÊT
du 28.10.1980
(rendu à la suite d’un recours contre un arrêt du Tribunal d’Appel pour la Navigation du Rhin siégeant à Colmar en date du 7 janvier 1980 et contre une décision rendue par la même juridiction le 3 mars 1980).
EXPOSE DES FAITS:
Dans la soirée du 4 mars 1975, vers 19 heures, l’automoteur "R",appartenant à la Société Gebrüder Z K.G., conduit par F et assuré auprès de la Compagnie d’assurances T A.G., qui naviguait avalant sur le Rhin, a, en pénétrant dans le grand sas des écluses de Strasbourg, endommagé la porte avant de ce sas, laquelle, aux termes de l’article 2 du cahier des charges approuvé par le décret du 10 mai 1971 relatif à l’aménagement et à l’exploitation de la chute de Strasbourg sur le Rhin, fait partie des dépendances immobilières de la concession accordée par l’ETAT FRANÇAIS à l’EDF. A la suite de l’accident, l’EDF a dû faire procéder à la réparation de la porte endommagée, le coût des travaux de remise en état se montant à 555.695 francs.
PROCEDURE:
Par demande du 15 décembre 1976, l’EDF a assigné, devant le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg,F qui commandait l’ automoteur "R", les Etablissements Gebrüder Z en leur qualité d’ armateur et la Compagnie d’assurances T en paiement d’une somme de 555.695 francs, montant représentant le préjudice subi lors de l’accident du 4 mars 1975.
Par jugement rendu le 4 janvier 1978, le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg, excipant de la prescription de l’action publique, a déclaré prescrite l’action engagée par l’EDF au motif que n’ayant pas mise en mouvement l’action civile dans le délai d’un an, la demanderesse, qui n’a introduit sa demande que le 16 décembre 1976, n’est plus recevable dans son action. Le jugement porte également condamnation de l’EDF aux dépens et au paiement aux défendeurs d’un montant de 2.000 francs représentant les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens, avec les intérêts de droit à compter du jour du prononcé dudit jugement.
Contre ce jugement les deux parties ont interjeté appel. À la date du 2 février 1978, F F, la Société Gebrüder Z et la Compagnie d’assurances T ont interjeté appel devant le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin siégeant à Colmar.
Quant à l’EDF, elle a interjeté le 14 mars 1978 en précisant qu’elle entendait expressément porter l’affaire devant la Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin.
Après avoir, dans un premier arrêt daté du 8 novembre 1978, déclaré être régulièrement saisi des appels interjetés, le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin a, par arrêt du 4 avril 1979, décidé que l’EDF n’avait pas qualité pour agir aux motifs :
- que l’autorité concédant doit être regardée comme immédiatement propriétaire des installations édifiées par le concessionnaire, lorsqu’elle s’en est réservé le retour sans indemnité à l’expiration de la concession;
- que l’ETAT ne saurait abandonner à quiconque le droit d’exercer les actions concernant le domaine public et qu’il s’ensuit que la demande de l’EDF doit être déclarée irrecevable.
Après que par acte du 11 juillet 1979 l’ETAT FRANÇAIS eût formé tierce opposition à l’arrêt rendu par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin le 4 avril 1979, ce même Tribunal d’Appel, en donnant acte à l’EDF de ce qu’elle intervenait à l’appui des conclusions de l’ETAT FRANÇAIS, a, par arrêt du 7 janvier 1980, déclaré recevables et bien fondées la tierce opposition et la mise en cause de l’EDF et, statuant à nouveau :
- a dit qu’EDF avait qualité pour agir en réparation du dommage résultant de l’accident du 4 mars 1975;
- a déclaré l’arrêt commun à l’EDF;
- a dit que les débats seraient poursuivis en cet état de droit à l’audience du 3 mars 1980;
- a réservé à statuer tant sur les dépens que sur la demande formée par F, la Société Gebrüder Z et la Compagnie d’assurances "T" en application de l’art. 700 du Nouveau Code de procédure civile.
A l’audience du 3 mars 1980, le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin a ordonné la poursuite immédiate des débats, en rejetant la demande de F , de la Société Z et de la Compagnie d’assurances T tendant à voir principalement constater que le Tribunal d’Appel s’est trouvé dessaisi du fait de l’appel interjeté devant la Commission Centrale pour la navigation du Rhin contre l’arrêt du 7 janvier 1980 et subsidiairement accorder la remise de l’affaire jusqu’à ce que la Commission Centrale pour la navigation du Rhin ait statué.
Par conclusions du 30 janvier 1980, signifiées le 6 février 1980 à l’EDF, les défendeurs F , la Société Gebrüder Z et la Compagnie d’assurances T ont interjeté appel à l’encontre de l’arrêt prononcé le 7 janvier 1980 par le Tribunal d’Appel pour la Navigation du Rhin, en précisant qu’ils entendaient porter cet appel devant la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin. L’acte d’appel du 30 janvier 1980 a également été signifié le 8 février 1980 à l’ETAT FRANÇAIS et au Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin. Par mémoire du 25 février 1980, reçu au greffe du Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin le 27 février 1980, les appelants ont motivé leur appel et développé leurs conclusions; ce mémoire a été communiqué à l’EDF et à l’ETAT FRANÇAIS à la diligence du Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin (décision du 7 mars 1980).
Dans leur acte d’appel du 30 janvier 1980 et leur mémoire du 25 février suivant, les appelants ont pris les conclusions suivantes.
Plaise à la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin:
Recevoir l’appel à l’encontre de l’arrêt du 7 janvier 1980, Infirmer ledit arrêt,
Débouter l’ETAT FRANÇAIS de sa demande,
Le condamner en tous les frais et dépens de l’instance.
Par conclusions du 5 mars 1980, enregistrées au Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin le 11 mars 1980 et signifiées le même jour et à l’ETAT FRANÇAIS et au Tribunal d’Appel, F , la Sté Gebr. Z et la Cie d’assurance T ont également interjeté appel à l’encontre de la décision du Tribunal d’Appel en date du 3 mars 1980 qui a ordonné la poursuite des débats, et rejeté la demande de F, de la Sté Z et la Cie d’assurances T tendant à voir principalement constater que le Tribunal d’Appel s’est trouvé dessaisi du fait de l’appel interjeté devant la Commission Centrale pour la navigation du Rhin et subsidiairement accorder la remise de l’affaire jusqu’à ce que la Commission Centrale pour la navigation du Rhin ait statué.
Au soutien de leurs conclusions F, la Sté Gebr. Z et la Cie d’assurances T font valoir que l’arrêt prononcé le 7 janvier 1980 par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin a été rendu en première instance, aucune juridiction n’ayant préalablement connu de la demande formulée par l’ETAT FRANÇAIS. En vertu de l’art. 37 de la Convention de Mannheim et de la loi française du 21 avril 1832, le double degré de juridiction s’imposant en toutes circonstances, il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que l’arrêt du 7 janvier 1980 a été rendu en première instance et que partant, l’appel devant la Commission pour la Navigation du Rhin est recevable.
Les appelants font aussi valoir que c’est à tort que le premier juge s’est basé sur l’art. 585 du Nouveau Code de procédure civile, aux termes duquel tout jugement est susceptible de tierce-opposition. Ils soutiennent à cet égard que les tribunaux pour la navigation du Rhin ne sont pas compétents pour annuler une décision précédemment rendue par eux, alors surtout que la compétence de ces juridictions est limitée aux dispositions découlant des articles 33 et 34 de la Convention, de Mannheim laquelle ne connaît pas d’autre voie de rétractation ou d’annulation que celle découlant de l’appel à l’encontre des jugements portant sur une valeur supérieure à 50 francs. En déclarant applicable devant les tribunaux pour la navigation du Rhin l’art. 585 du Nouveau Code de procédure civile, le premier juge a "dénaturé" l’art. 38 de la Convention de Mannheim qui précise qu’on se conformera, pour la procédure à suivre, à la législation en vigueur dans le pays "si l’appel est porté devant ce tribunal ...". Il y a lieu, en effet, de souligner que l’ETAT FRANÇAIS, en assignant les défendeurs en tierce opposition devant le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin, n’a pas introduit un appel devant cette juridiction, n’ayant pas usé d’une voie de réformation d’une décision rendue par une juridiction inférieure. Les appelants font enfin valoir qu’en disposant, que en cas d’appel, on se conformera pour la procédure à suivre à la législation en vigueur dans le pays, la Convention de Mannheim se limite à instituer les règles de procédure du déroulement de l’appel, à l’exclusion des règles nationales des cas d’ouverture de l’appel ou de recours ultérieur à la décision, celles-ci résultant exclusivement de la Convention internationale.
En ce qui concerne l’appel interjeté à l’encontre de la décision du Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin rendue le 3 mars 1980, les appelants estiment que c’est à tort que cette juridiction a ordonné la continuation des débats à la suite de l’arrêt du 7 janvier 1980, alors que ledit arrêt est frappé d’appel devant la Commission Centrale pour la navigation du Rhin par acte du 30 janvier 1980, qui confère, ainsi, un effet suspensif à l’arrêt du 7 janvier 1980 en vertu de l’art. 539 du Nouveau Code de procédure civile.
L’ETAT FRANÇAIS, par mémoire du 28 mars 1980 adressé à la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, réplique en faisant valoir que la tierce opposition est une voie de recours extraordinaire ouverte à tous les tiers quand ils sont lésés ou même simplement menacés d’un préjudice par l’effet d’un jugement auquel ils sont restés étrangers; que la tierce opposition peut frapper un jugement de première instance aussi bien qu’un jugement d’appel (art. 585 du N.C.P.C.) et qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon que la décision émane d’un juge de droit commun ou d’un juge d’exception. L’ETAT FRANÇAIS soutient aussi que le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes voies de recours que la décision de la juridiction dont il émane et qu’en l’occurrence les termes de l’art.592 du Nouveau Code de Procédure Civile (N.C.P.C.) rendent irrecevable l’appel d’une décision rendue par une juridiction d’appel ; que la Convention de Mannheim précise en son article 38 que la procédure à suivre est celle de la législation nationale en vigueur, de telle sorte que l’appel doit être déclaré irre¬cevable; qu’il est en outre mal fondé pour les motifs retenus par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin et que c’est donc à bon droit, que cette juridiction a prononcé l’annulation sur tierce opposi¬tion de l’arrêt du 4 avril 1979.
En conséquence de ces motifs, l’ETAT FRANÇAIS a pris les conclusions suivantes :
- Déclarer irrecevable l’appel interjeté par les défendeurs à l’encontre de l’arrêt prononcé le 7 janvier 1980 par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin siégeant à Colmar,
- Condamner les défendeurs et appelants à payer à l’ETAT FRANÇAIS une indemnité de 2.000 francs en remboursement du dommage résultant d’une procédure abusive.
S’agissant de l’appel contre la décision du Tribunal d’Appel de la navigation du Rhin du 3 mars 1980, l’ETAT FRANÇAIS a pris les conclusions de ses mémoires des 28 mars et 23 octobre 1980 tendant à ce qu’il plaise à la Commission Centrale de:
- Déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondé l’appel,
- Rejeter l’appel,
- Condamner les défendeurs à payer à l’ETAT FRANÇAIS la somme de 2.000 francs plus les intérêts légaux à titre de dommages pour procédure abusive. Par application de l’art. 700 du N.C.P.C., les condamner à payer 2.000 francs plus les intérêts légaux à titre de frais répétibles.
A l’appui de ces conclusions, l’ETAT FRANÇAIS fait valoir que les décisions rendues par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin constituent des décisions insusceptibles d’appel, alors surtout qu’en droit procédural français, la décision de rejet de sursis à statuer ne peut être frappée d’appel qu’en même temps que le jugement de fin d’instance ; qu’en tout cas un pareil appel est également mal fondé par absence de motifs sérieux et légitimes.
L’EDF, dans ses écrits des 8 février, 13 mars et 24 mars 1980, soutient, elle aussi, que la procédure engagée par l’ETAT FRANÇAIS par voie de tierce opposition est parfaitement recevable, l’art. 38 de la Convention de Mannheim prévoyant, qu’en ce qui concerne le deuxième degré de juridiction, il y a lieu de se conformer, pour la procédure à suivre, à la législation en vigueur dans le pays du Tribunal saisi en première instance; qu’en tout cas aucun texte tant national qu’international, ne prévoit la possibilité de se pourvoir en appel à l’encontre d’une décision rendue par le Tribunal Supérieur de la naviga-tion du Rhin; qu’une solution contraire serait de nature à instaurer un troisième degré de juridiction au profit de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, solution qui irait à l’encontre des dispositions de la Convention de Mannheim. En suite de ces motifs, l’EDF a pris les conclusions suivantes :
- Déclarer irrecevable l’appel interjeté à l’encontre de l’arrêt prononcé le 7 janvier 1980 par le Tribunal Supérieur pour la navigation du Rhin, siégeant à Colmar,
- Condamner les appelants et défendeurs à payer à L’EDF une indemnité de 30.000 francs en remboursement du dommage né de la procédure manifestement abusive.
En réplique à l’appel de F , Sté Gebr. Z et la Cie d’assurances T contre la décision du Tribunal d’Appel de la navigation du Rhin siégeant à Colmar du 3 mars 1980, l’EDF a pris les conclusions de son mémoire du 21 mars 1980 tendant à ce qu’il plaise à la Commission Centrale de:
- Déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondé l’appel,
- Rejeter l’appel,
- Condamner les demandeurs à 10.000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- Par application de l’art. 700 du N.C.P.C., les condamner à payer 2.000 francs.
A l’appui de ses conclusions, l’EDF fait valoir qu’aucun appel ne peut être interjeté contre une décision de la Cour d’appel de Colmar, statuant comme Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin, auprès de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin qui n’est pas juridiction d’appel mais juridiction du même niveau que la Cour d’Appel de Colmar. Elle soutient encore qu’un appel contre une décision de ne pas surseoir à statuer ne constitue en aucune façon un jugement sur le fond et dans ces conditions, l’appel n’est pas recevable. Enfin l’EDF fait valoir que les appelants multiplient abusivement les procédures, ce qui d’une part justifie l’allocation de dommages-intérêts, d’autre part commande que les appelants participent aux frais qu’elle, EDF, doit engager.
EXPOSE DES MOTIFS:
VU les pièces de la procédure, les documents régulièrement communiqués et produits aux débats, ensemble l’arrêt et la décision entrepris et les mémoires des parties, auxquels la Chambre des Appels se réfère, en tant que de besoin, pour plus ample exposé des faits et moyens.
Sur la recevabilité des appels formés devant la Chambre des Appels
ATTENDU qu’il y a lieu d’observer, tout d’abord, que la procédure suivie devant le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin siégeant à Colmar est la suite de deux appels interjetés contre un jugement prononcé le 4 janvier 1978 par le Tribunal pour la navigation du Rhin siégeant à Strasbourg;
QUE le premier de ces appels a été interjeté à la date du 2 février 1978 devant le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin par les défendeurs F F , la Société Gebrüder Z et la Compagnie d’assurances T , alors que ce n’est que le 14 mars 1978 que l’EDF a formé appel en précisant expressément qu’elle entendait porter l’appel devant la Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin;
ATTENDU que c’est donc à bon droit que le Tribunal d’appel pour la navigation du Rhin s’est déclaré régulièrement saisi des appels interjetés conformément à l’art. 37bis (alinéa premier) de la Convention de Mannheim qui dispose que "lorsque dans un même litige le demandeur et le défendeur ont fait tous deux appel dans les délais légaux, l’un devant la Commission Centrale l’autre devant le Tribunal Supérieur national, la juridiction première saisie connaîtra des deux appels";
ATTENDU que les défendeurs qui ont délibérément opté pour la voie nationale et porte leur appel devant le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin, ne peuvent plus revenir sur ce choix au motif que la tierce opposition formée à hauteur d’appel, les priveraient du double degré de juridiction
ATTENDU en effet que la tierce opposition est une voie de recours extraordinaire ouverte à tous les tiers quant ils ont été lésés ou même simplement menacés d’un préjudice par l’effet d’un jugement ou d’un arrêt auquel ils sont restés étrangers ;
QUE l’article 582 du Nouveau Code de procédure civile précise que "la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d’un tiers qui l’attaque" et qu’elle remet en question relativement à son auteur, les points jugés qu’elle critique pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ;
QUE la tierce opposition peut être formée à toute hauteur de procédure - en première instance et en procédure d’appel - et que "le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane" (art. 592 du Nouveau Code de procédure civile).
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que les articles du Nouveau Code de procédure civile relatifs à la tierce opposition sont des dispositions de pure procédure et non des dispositions concernant l’organisation judiciaire ;
QU’il s’ensuit qu’il convient d’appliquer ces dispositions de procédure conformément à l’art. 38 alinéa 3 de la Convention de Mannheim qui dispose formellement que "si l’appel est porté devant ce tribunal (tribunal supérieur pour la navigation du Rhin), on se conformera pour la procédure à suivre à la législation en vigueur dans le pays";
ATTENDU par ailleurs que si on peut, en règle générale, se pourvoir en cassation contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort, il n’en est plus ainsi s’agissant des arrêts et décisions rendus par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin siégeant à Colmar;
QUE l’art. 7 de la loi française du 21 avril 1832 relative aux tribunaux de navigation du Rhin précise qu’aucun recours en cassation n’est ouvert outre les jugements des juges de la navigation du Rhin;
QU’il résulte du reste d’une jurisprudence française constante que les arrêts et décisions rendus par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et que, partant, on ne saurait relever appel contre de pareilles décisions;
QU’en tout cas aucun texte, tant national qu’international, ne prévoit la possibilité de se pourvoir en appel contre une décision rendue par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin;
QU’une solution contraire serait de nature à instaurer un troisième degré de juridiction au profit de la Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin, solution qui irait manifestement à l’encontre des principes établis par la Convention de Mannheim et;
QU’en conséquence la règle du double degré de juridiction, qui est d’ailleurs également consacrée par le Nouveau Code de procédure civile, n’est pas violée par le fait qu’une tierce opposition est formée contre un arrêt d’une juridiction d’appel;
QU’il s’ensuit qu’un arrêt rendu sur tierce opposition ne saurait en aucun cas être considéré comme équivalent à un jugement rendu en première instance ;
ATTENDU en l’espèce que l’arrêt du 7 janvier 1980, par lequel le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin a déclaré recevables et bien fondées la tierce opposition formée par l’ETAT FRANÇAIS ainsi que la mise en cause de l’EDF, n’est susceptible d’aucune voie de recours ;
QUE la Chambre des Appels ne peut donc que déclarer irrecevable l’appel que les défendeurs ont interjeté devant elle à l’encontre de l’arrêt susvisé du 7 janvier 1980;
QUE des considérations analogues valent en ce qui concerne l’appel que les défendeurs ont relevé contre la décision du 3 mars 1980 rendue dans la même procédure par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin ;
Qu’il y a donc également lieu pour la Chambre des Appels de déclarer irrecevable l’appel que les défendeurs ont interjeté contre la décision susvisée du 3 mars 1980.
Sur les demandes en dommages intérêts formées par l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF pour abus de procédure ATTENDU que l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF ont saisi la Chambre des Appels de demandes en dommages intérêts et réclament aux défendeurs et appelants diverses sommes du chef d’abus de procédure ou plus exactement d’abus dans l’exercice des actions par eux diligentées;
QU’à cet égard il y a lieu d’observer que, même si l’on admet que de pareilles demandes rentrent dans les prévisions des art. 33 et 34 de la Convention de Mannheim et, partant, relèvent de la compétence de la Chambre des Appels, la preuve ne serait pas administrée, en l’espèce, que le comportement procédural des défendeurs ait été constitutif de fautes pouvant donner lieu à des dommages intérêts;
QU’en effet l’exercice d’une action en justice ne dégénère en faute que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou au moins une erreur grossière équipollente au dol ;
QU’en interjetant appel à l’encontre tant de l’arrêt du 7 janvier 1980 rendu par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin que de la décision du 3 mars 1980 prononcée par la même juridic¬tion, les défendeurs n’ont commis aucune faute suffisamment caractérisée pouvant justifier l’allocation de dommages-intérêts ;
QU’en conséquence il y a lieu de rejeter les demandes formées de ce chef par l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF.
Sur les demandes en dommages intérêts formées par l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF, demandes tendant à l’indemnisation des frais du procès n’entrant pas dans les dépens
ATTENDU que l’ETAT FRANÇAIS demande à la Chambre des Appels de condamner les défendeurs à lui payer une somme de 2.000 francs par application de l’art. 700 du Nouveau Code de procédure civile;
QUE l’EDF demande également à la Chambre des Appels de condamner les défendeurs au paiement d’un montant de 2.000 francs au titre de l’art.700 susvisé ;
ATTENDU que l’art. 700 du Nouveau Code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner une partie à payer des sommes déboursées par son adversaire et qui ne rentrent pas dans les dépens ; que le juge le fera même en l’absence de faute établie, lorsqu’il lui paraîtra inéquitable de laisser à la charge de cet adversaire le montant total des honoraires et autres frais qu’il a dû débourser et qui ne sont pas des dépens au sens propre du mot ; que le juge dispose à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation, notamment quant à la notion d’équitabilité entrant dans la décision d’imputation desdits frais ;
QUE les règles ci-dessus rappelées sont également applicables devant la Chambre des Appels conformément à l’art. 30 de son règlement de procédure (du 23 octobre 1969), texte qui dispose que "dans la mesure où la Convention révisée pour la navigation du Rhin et le présent règlement ne prévoient pas de prescriptions applicables, la Chambre peut appliquer à titre supplétif les dispositions de procédure prévues par le droit du tribunal quia jugé en première instance, notamment en vue d’assurer le droit des parties à être entendues."
ATTENDU, en l’espèce, que l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF ont été attraits devant la Chambre des Appels dans les conditions hasardeuses et insolites qui les obligeaient à se faire représenter par des avocats dont les interventions sont génératrices de frais ;
QUE la Chambre des Appels, sans avoir à caractériser l’existence d’une faute, puise dans son pouvoir souverain d’appréciation, le droit de condamner F, la Société Z et la Compagnie d’assurances T à payer à l’ETAT FRANÇAIS et à l’EDF les sommes qu’ils réclament par application de l’article 700 du Code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin
- Déclare irrecevables les appels interjetés par F, la Société Gebrüder Z K.G.
et la Compagnie d’assurances T A.G. à l’encontre tant de l’arrêt rendu le 7 janvier 1980 par le Tribunal d’Appel pour la navigation du Rhin que de la décision du 3 mars 1980 prononcée par la même juridiction,
- Statuant sur les demandes formées par l’ETAT FRANÇAIS et l’EDF,
Rejette les demandes de dommages-intérêts pour abus de procédure,
Déclare bien fondées les demandes formées en application de l’art. 700 du Nouveau Code de procédure civile,
En conséquence condamne F, la Société Gebrüder Z K.Go et la Compagnie d’assurances T A.G. à payer :
1) à l’ETAT FRANÇAIS une somme de 2.000 francs avec les intérêts au taux légal,
2) à l’EDF une somme de 2.000 francs, Condamne F F, la Société Gebrüder Z K.G. et la Compagnie d’assurances T A.G. aux entiers frais et dépens,
Dit que les frais sont à liquider conformément à l’art. 39 de la Convention, révisée pour la Navigation du Rhin, par le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg.