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184 P - 4/86 - Berufungskammer der Zentralkommission (Berufungsinstanz Rheinschiffahrt)
Entscheidungsdatum: 05.06.1986
Aktenzeichen: 184 P - 4/86
Entscheidungsart: Urteil
Sprache: Französisch
Gericht: Berufungskammer der Zentralkommission Straßburg
Abteilung: Berufungsinstanz Rheinschiffahrt

CHAMBRE  DES APPELS DE LA COMMISSION  CENTRALE  POUR  LA NAVIGATION  DU  RHIN
 
ARRÊT

du 5.06. 1986
 
(rendu en appel d’un jugement du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg du 22 avril 1985 - 1 E 482/85)

EN FAIT:

ATTENDU que le prévenu a interjeté appel contre le jugement rendu par défaut le 22 avril 1985 par le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg et soulevé l’exception de nullité de la citation à comparaître le 22 avril 1985 délivré au Parquet du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg selon la procédure prévue à l’article 562 du Code de Procédure Pénale français pour les personnes demeurant à l’étranger au motif d’une part, que cette procédure violerait la disposition de l’article 40 de la Convention révisée pour la Navigation du Rhin qui dispose que "pour ce qui concerne les personnes ayant un domicile connu dans un des Etats riverains, les citations et exploits dans ces causes seront notifiés à ce domicile" et, d’autre part, parce que non accompagnée d’une traduction en langue allemande la citation aurait été délivrée au mépris de la Convention des Droits de l’Homme du 4  novembre 1950, ratifiée par la France le 3 mai 1974, laquelle stipule dans son article 6 que le prévenu "a droit notamment à être informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui;"

ATTENDU que le Ministère Public fait valoir qu’il y a lieu de distinguer entre les formalités déterminant la saisine du Tribunal de celles qui permettent de définir la nature du jugement contradictoire ou par défaut ; que le Parquet a observé les dispositions de l’article 562 du Code de Procédure Pénale en citant le prévenu au Parquet du procureur de la République le 28 janvier 1985 et que copie de la citation a bien été transmise sur la base de la Convention européenne d’entraide judiciaire du 20 avril 1959 par 1’ Amtsgerichtpräsident, Mannheim.
 
ATTENDU par ailleurs que le Ministère Public fait valoir que la signification faite répond aux dispositions de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 qui dispose dans son article 16 de l’annexe 14 que la demande d’entraide judiciaire et les pièces annexées doivent être rédigées en langue allemande ou dans l’une des langues officielles du Conseil de l’Europe ; que la copie de l’acte de citation rédigé en français, langue officielle du Conseil de l’Europe et comportant le lieu, la date, la qualification juridique précise des faits poursuivis ainsi que les textes réprimant l’infraction visée assurent indéniablement l’information rapide et détaillée requise par l’article 6 de ladite Convention et qu’en conséquence la citation est valable.

EN DROIT:

Sur la violation de la Convention révisée pour la navigation du Rhin

ATTENDU que l’article 40 paragraphe 3 de la Convention révisée pour la Navigation du Rhin exige en ce qui concerne les parties ayant un domicile connu dans un des Etats riverains, que les citations et exploits soient notifiés à ce domicile;

ATTENDU que la notification a été accomplie le 20 février 1985 par la remise de la citation, à son domicile en RFA, en l’occurrence à son épouse;

ATTENDU que cette notification a eu lieu conformément aux prescriptions de forme du Code de Procédure Pénale français qui exige que les citations des parties demeurant à l’étranger et notamment en République fédérale d’Allemagne, en vue de leur comparution, interviennent au moins deux mois avant la comparution;

QU’en conséquence il n’y a pas lieu d’accueillir l’exception de nullité de la citation à comparaître pour violation des dispositions de la Convention révisée pour la Navigation du Rhin.Sur la violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme

ATTENDU que la Convention des Droits de l’Homme énonce un certain nombre de principes généraux et pour ce qui concerne l’article 6 en cause, il énumère d’ailleurs d’une manière exemplative des droits subséquents et des règles plus précises et concrètes dont la violation peut directement ou indirectement affecter ou vider de leur substance les garanties fondamentales;

QUE parmi ces droits subséquents visés à l’article 6.3 de ladite Convention figure le droit pour le prévenu à être informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui;
 
ATTENDU que c’est à tort que le Ministère Public a interprété la convention européenne d’entraide judiciaire du 20 avril 1959 comme validant, au regard en particulier de la Convention européenne des Droits de l’Homme, la rédaction de la citation dans l’une quelconque des langues officielles du Conseil de l’Europe nonobstant le fait que le prévenu n’est pas en mesure de la comprendre;

QU’en effet, si la Convention européenne d’entraide judiciaire prévoit la faculté de rédiger les actes transmis aux autorités compétentes de la République fédérale d’Allemagne soit en langue allemande, soit dans l’une des langues officielles du Conseil de l’Europe, elle ne préjuge nullement des conditions qui doivent encore être respectées en vertu des dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme que la Convention d’entraide judiciaire n’affecte nullement, comme il l’est expressément stipulé à l’article 26 de cet instrument;

ATTENDU cependant que la violation des droits à l’information du prévenu décrits à l’article 6.3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme n’entraîne pas pour autant la nullité de la citation faite à personne mais constitue simplement un obstacle s’opposant à ce que le Tribunal rende un jugement alors qu’il est apparu de l’examen du dossier et de l’audience qu’aucun élément du dossier n’établit que le prévenu comprenait la nature et la cause de la prévention énoncée dans la citation délivrée à son encontre;

ATTENDU qu’il échet d’annuler le jugement par défaut dont appel, rendu en violation des dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme concernant le droit à l’information du prévenu;

PAR CES MOTIFS, la Chambre des Appels

- Reçoit l’appel du prévenu "H", régulier en la forme,

- Le déclare fondé,

- En conséquence, rejette l’appel du Ministère Public,

- Annule le jugement par défaut du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg du 22 avril 1985,

- Dit que les frais de la procédure d’appel sont à liquider conformément à l’article 39 de la Convention révisée pour la navigation du Rhin par le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg.